UNE SAISON SUR LA TERRE by MARC LAMBRON

UNE SAISON SUR LA TERRE by MARC LAMBRON

Auteur:MARC LAMBRON
La langue: fra
Format: epub
Tags: LITTERATURE GENERALE
Éditeur: BERNARD GRASSET PARIS
Publié: 2010-01-01T00:00:00+00:00


Abbey Road 2004. La présence de Mark Knopfler dans le studio me permit de vérifier que les stars déclenchent des émotions inégales. Pour diverses raisons, il n’était jamais entré dans mon panthéon de poche. La date d’apparition de son groupe, Dire Straits, se situait au-delà du temps où le rock avait vraiment flambé : 1976, c’était déjà un peu tard pour retrouver l’étincelle des pionniers – ou alors il fallait être punk. Knopfler me paraissait typique des guitaristes de deuxième génération, parfaitement aptes et irréprochablement musiciens, que la fortune de quelques titres à succès élevait au-dessus de la place d’excellent accompagnateur à laquelle une époque plus flamboyante les aurait cantonnés. On ne sentait jamais des gouffres chez lui, seulement les tricotages virtuoses d’une machine à coudre contractuelle, d’ailleurs exécutés sans forfanterie par un mercenaire à la gentillesse triste. Les morceaux qu’il joua ce jour-là avec Scotty Moore me confortèrent dans cette impression. Son jeu de picking était un peu blet. On aurait dit des guipures de clavecin quand il aurait fallu des césures à la hache. Cet homme s’acquittait de ce qu’il avait à faire avec une habitude de fluidité qui menaçait de devenir endormissante. Il s’en acquittait, c’est bien le mot, comme si sa présence ressemblait à la texture de ses cheveux, minces et raréfiés. L'humilité de Mark Knopfler restait fade quand celle de Clapton était incandescente. Après l’interview donnée de bonne grâce mais sur un ton un rien ennuyé, Knopfler rôda dans le studio, signa quelques autographes, avant de disparaître en compagnie de son agent.

Ce dont j’avais rêvé à distance, penché dans les années 70 sur le pick-up de ma chaîne stéréo, un autre personnage évoluant ce jour-là dans les studios d’Abbey Road l’avait vécu aux premières loges. Je regardais Jean-Marie Périer, veste rouge et pantalon noir, que l’objectif de son appareil numérique transformait en cyclope temporaire tournant autour des musiciens en pleine répétition. Il avait probablement accepté ce job londonien comme on rouvre un chapitre dans un mémoire. Le petit-fils de l’ami de Proust, Jacques Porel, le double enfant d’illustres hommes de scène avait occupé tôt le meilleur balcon sur sa génération. Rien ne lui était alors plus étranger que le plaisir de durer : il avait manié l’appareil photo au long des années 60 comme on tire une guitare de son étui, pour faire une jam. Des Beatles ou des Rolling Stones, Jean-Marie Périer obtenait des temps de pose qu’aucun Français n’obtiendrait plus jamais. Ces clichés d’Anglais encore timides venus à la conquête de Paris, qu’il emmenait poser à la cascade du Bois ou sur les Champs-Elysées, étaient devenus avec le temps les gemmes d’un album du passé.

Abbey Road, pour lui, c’était un retour. En 1967, il y avait passé quelques jours avec les Beatles en plein enregistrement de Sgt Pepper, ramenant des images du quatuor répétant au milieu de chandelles allumées. Il se souvenait de musiciens sous l’emprise de substances bizarres, de clubs du Swinging London où la soirée se poursuivait entre Brian Jones et Patti Harrison.



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